Maman et kiné libéral, comment ça se passe?
Bonjour Céline, tu es kinésithérapeute, peux-tu te présenter en quelques lignes notamment ton activité en tant que maman?
Bonjour, je suis kiné libérale, seule dans mon cabinet, en campagne proche de Nancy. J’ai deux enfants pré-adolescents.
Personnellement je suis secrétaire générale du syndicat de mon département mais je vais répondre à cette interview en tant qu’administratrice de la page Facebook «congé maternité pour les professions libérales conventionnées de la santé ».
Cette page a été mise en route par une consœur, il y a un peu plus de 15 jours. Nous sommes 11 femmes (la plupart asyndicales), de différents âges, avec des situations familiales et professionnelles différentes, notre lien est que nous sommes toutes libérales conventionnées dans la santé.
Le congé maternité devrait être une étape pleine de sérénité pour accueillir un enfant, peux tu expliquer comment cela se passe actuellement? L’assurance maladie ne paie-t-elle pas déjà une indemnité journalière ainsi qu’une indemnité forfaitaire lors du congé maternité comme pour les salariés?
Récemment, une avancée a été faite pour les médecin libéraux, peux-tu nous expliquer ce qu’elles ont obtenues?
La plupart des kinés ont une assurance privée, la prévoyance, qui prend en compte l’éventuel congé maternité pathologique, est-ce que ça complète les revenus pour le congé maternité?
Effectivement, en libéral, nous prenons presque tous une prévoyance mais celle-ci n’intervient que lorsque l’on ne touche rien de la CPAM, donc elle n’intervient qu’en cas de congé pathologique soit avant, soit après le congé légal de maternité.
De plus, d’une prévoyance à l’autre selon le contrat, certaines femmes n’ont rien ou pas grand chose. Non seulement on a le stress du congé pathologique mais en plus le stress de la perte financière.
Tu as parlé des charges de cabinet qui restent à la charge de la kiné titulaire pendant le congé maternité, nous n’avons pas tous les mêmes charges de cabinet, sais-tu comment ces différences pourraient être prises en compte?
On a parlé de l’aspect financier mais je crois qu’il faut expliquer que la gestion du cabinet est une activité qui continue même pendant le congé maternité. En effet, les commandes de matériel par exemple ne se font pas toutes seules. Il en est de même pour l’entretien du cabinet que ce soit le ménage ou les petites réparations. La gestion administrative continue également pendant le congé mat’, ne serait-ce que pour la rétrocession si il y a un remplaçant, tout comme le paiement des factures type électricité, logiciels, etc. Bref dans un cabinet, il y a toujours à faire. On peut comprendre que cela pèse dans un projet bébé…
Revenons au financier, dans beaucoup de cas, la kiné trouve un remplaçant et lui demande une rétrocession n’est-ce pas fait pour compenser justement ces charges de cabinet?
Alors, parlons-en de l’éventuel remplaçant, beaucoup de consœurs ne trouvent pas de remplaçant et quand elles en trouvent, il faut le payer! Un remplaçant se fait payer sur les actes effectués donc, c’est le remplacé qui avance des frais au remplaçant sur des sommes qu’il n’a pas encore forcément perçues.
De plus, actuellement les remplaçants ne sont pas assez nombreux donc souvent les rétrocessions ne suffisent pas pour payer les charges quand on est titulaire. Et l’assistant, lui, doit toujours rétroverser une partie donc il ne gagne rien sur ce remplacement. Il y a même certains conflits qui en découlent, quand l’assistant ou l’associé ne trouve pas de remplaçant car les autres confrères y perdent aussi financièrement et risque une augmentation de la quantité de travail pour assurer la continuité des soins. Ce qui augmente encore le stress de la future jeune maman.
Qu’en est-il dans les désert médicaux? Surtout que pendant un congé mat’ à l’inverse des vacances, on ne peut pas loger le remplaçant chez soi par exemple?
La difficulté à trouver des remplaçants hélas n’est pas que dans les déserts médicaux, et donc c’est là que je dirais, en tant que syndicaliste, que l’on manque fortement de kinés dans la plupart des territoires.
Un congé mat est donc parfois (souvent!) une perte de revenu pour la kiné libérale, d’autant qu’il n’est pas rare que le conjoint gagne moins que la kiné, on peut donc parler d’un réel problème pour envisager sereinement une maternité, non?
As-tu dans tes consoeurs paramédicales, des femmes qui hésitent à avoir un enfant pour cette raison, ou à avoir un autre enfant?
Il est peut être inutile de le rappeler mais la rémunération horaire d’un kiné libéral qui voit un patient par 30min (même en domicile) et qui ne multiplie pas les assistants est extrêmement faible, raison pour laquelle, en plus du besoin en kinesitherapie, les kinés font beaucoup d’heures chaque semaine. L’arrivée d’un enfant, il ne faut pas se le cacher à un coût et nécessite de la présence auprès de l’enfant. N’est-ce pas une seconde raison d’hésitation car la reprise après congé maternité en diminuant ses horaires est aussi une perte de revenu net avec des charges de cabinet qui ne changent pas?
Tu as bien résumé la situation, qui dit enfants dit que l’on veut passer du temps avec, et dans nos professions nous n’avons pas ou peu d’aide type CAF donc c’est difficile d’alléger le planning d’où la nécessité de bien s’organiser avant.
Être une femme en libéral, c’est vraiment pluridisciplinaire, même avec un mari qui nous soutient. C’est gérer son entreprise, ses enfants, sa maison… Il ne faut pas s’oublier dans tout ça. Notre charge mentale est à son maximum. J’ai dû attendre que mes enfants soient plus grands pour faire des formations plus longues, pour m’investir au niveau syndical et pour retrouver du temps pour moi.
En tout cas je suis fière de l’ampleur que prend ce mouvement #CongéMatPourToutes !
Nous avons en 15 jours obtenu près de 57 000 signatures et ça augmente toutes les heures. J’espère vraiment que Syndicats et Ordres de toutes ces professions qui nous réunissent (infirmières,masseur-
kinésithérapeutes, sage-femmes, dentistes, podologues, orthophonistes et orthoptistes) sauront profiter de ce mouvement d’ampleur pour négocier avec nos ministres une égalité de tous pour toutes !
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