Interview de Stéphane Martine, kinesithérapeute libéral, gérant du site reeducationgenou.com.
Bonjour Stéphane, tu es kinésithérapeute, tu gères le site www.reeducationgenou.com. Peux-tu nous dire quand et pourquoi t’es venu l’idée de ce site?
Bonjour Julien. En fait, je passais mes journées à la clinique des Maussins et au cabinet qui y était rattaché, à répéter toujours la même chose pour les conseils et les suites opératoires et à force de voir une trentaine de genoux par jour on devient synthétique et comme un Dictaphone! Donc en juillet 2006, je me suis lancé dans la création d’un site destiné à mes patients et aux opérés de la clinique, à qui on donnait nos cartes de visite « pour les questions des patients sortis » comme disait un chirurgien. La première semaine j’ai eu trois visites… les miennes sur différents ordinateurs pour voir si ça fonctionnait bien. Désormais, ça tourne tout seul avec 1500 à 2000 visites uniques par jour.
Ton site est-il destiné aux patients ou aux professionnels?
Surtout aux patients! Le propos est volontairement rassurant et léger pour que le patient inquiet ne tombe pas dans les forums et blogs de patients pour qui la chirurgie et les suites ne se sont pas bien passées.
Je reçois également des questions par mail des lecteurs qui sont parfois des kinés voire des médecins. Cependant le contenu est souvent mis à jour pour que les pratiques actuelles publiées viennent doucement à la connaissance des patients et pourquoi pas des kinés curieux mais qui n’ont pas le temps ou l’envie de faire une formation « genou » quand ils n’ont qu’un genou par jour.
Petit détail, le site si célèbre soit-il ne m’apporte pas tous mes patients. C’est un mythe que de penser qu’un site peut « voler » des patients aux autres kinés. Ce site m’a valu des jalousies et même une plainte ordinale d’un confrère jaloux du département 92 alors que je suis dans le 91!
Tu es également très actif sur les réseaux sociaux. Comment trouves-tu le temps de gérer ton cabinet, ton site, tes interventions diverses et ta présence sur les réseaux sociaux? Tes journées sont-elles plus longues que les miennes?
Les journées ont bien 24 heures pour tout le monde! Les patients du cabinet savent que je modère des groupes Facebook donc entre deux rendez-vous, je lis quelques commentaires et je vérifie les profils et parfois je censure les discussions qui sortent de la charte.
La page Facebook « kinésithérapie au quotidien pour s’entre-aider » qui est mon bébé compte désormais 6830 membres et j’en suis très fier mais j’ai dû demander un coup de main à des confrères actifs d’être également modérateurs sinon on passe sa journée dessus.
Pour le site, c’est bien plus long donc quand j’ai deux heures, un soir, je m’y colle une fois par mois.
Pour les formations « genou » et présentations c’est programmé longtemps à l’avance donc c’est simple et ça me sort du cabinet : j’adore!
En lisant ton site, on imagine que tu soignes beaucoup de genoux? Fais-tu uniquement de la traumato?
J’ai eu fait 80% de genoux par jour mais désormais c’est plutôt 70 à 80% épaules et genoux.
Avec le temps on change et je me suis collé à la pratique des chirurgiens avec qui je travaille le plus fréquemment qui font aussi épaule-genou.
Et oui, je ne fais que de la traumatologie et du sportif maladroit!
Ça remplit ma boutique largement de 9 heures à 20 heures car les sportifs se refilent les adresses de radiologues ceci, des médecins du sport cela et des kinés du coin.
Comment en es-tu arrivé à te passionner pour la rééducation du genou?
Mais c’est génial le genou! Y’en a pas un pareil qui exprime une pathologie de façon identique. Ça m’est venu dès l’IFMK où le prof de bioméca nous avait dit « la semaine prochaine on attaque le genou il va falloir s’accrocher ».
Et finalement, je me suis pris au jeu et même en stage de neuro je cherchais déjà des genoux!
Et j’ai lu, j’ai vu, j’ai pratiqué, j’ai testé et je n’ai toujours pas fait le tour…du genou!
Sans oublier que le genou s’exprime à tous les âges dans tous les sports et tous les états d’âmes.
Quels sont tes rapports avec les chirurgiens orthopédiques pour ton exercice professionnel?
Excellents car il savent que j’adore ça et que je veux toujours conserver la triangulaire chirurgien/patient/kiné. Si un des trois déconne tout le monde trinque. Que ce soit pour l’epaule ou le genou, j’aime bien avoir, pour les opérés, les bilans avant opération et le compte rendu opératoire. Certains le font pour d’autres, il faut accélérer les secrétariats.
Que conseilles-tu à nos confrères qui souhaitent se lancer dans la rééducation traumato?
De lire, de lire beaucoup et de chercher par soi même. À notre époque on trouve tout sur Google. Du bon, comme du mauvais, mais avec Pubmed ou Kinedoc c’est fantastique et les publications gratuites existent aussi.
Ne pas hésiter également à aller au bloc ou aux soirées d’enseignements des médecins destinées aux kinés.
En Île de France, il est facile d’être « en soirée » deux fois par semaine!
Ne pas hésiter également à poser une question simple sur les pages Facebook « kinés ».
Concernant les ruptures du LCAE, quelles sont les dernières avancées chirurgicales et rééducatives?
Pour la chirurgie du LCA, le point faible n’était pas la plastie dont on connaît bien l’evolution de ligamentisation mais les fixations de celle-ci dans les tunnels osseux fémoraux et tibiaux. Désormais, les plasties sont courtes. Ce qui économise de l’os pour fixer plus fort et éviter les migrations mais aussi du tendon.
Actuellement la technique en vogue est le DT4 all inside :
– seul le demi tendineux est prélevé et replié en 4, cela préserve le droit interne et la plastie quadruple est d’autant plus rigide.
-All inside car c’est le même instrument qui fait le trou de petit diamètre en périphérie et du diamètre exact de la plastie au centre et le tout en intra articulaire!
Ils sont forts ces chirurgiens!
En France on est à 80% de prélèvements aux ischios jambiers et le reste est pour du os-tendon-os (évolution arthroscopique du Kenneth Jones) et du fascia lata.
Dans le reste du monde on est plutôt à 90% aux ischios jambiers!
De fait en rééducation on peut aller plus vite et plus fort en respectant bien sûr le site de prélèvement donc les ischios que l’on laisse tranquille 15 jours 3 semaines après un didt.
On insiste aussi sur le pourquoi de la rupture avec d’emblée une recherche de la faute posturale ou un déficit de contrôle par la hanche ou la cheville. C’est très à la mode et efficace le renforcement des fessiers pour les syndromes rotuliens par exemple.
J’ai entendu parler de protocoles de cicatrisation sans chirurgie du LCAE. Peux-tu nous en dire quelques mots?
Alors là on va se fâcher! L’histoire vient d’une équipe chirurgicale parisienne et de médecins de montagne dont certains praticiens ont eu l’agréable surprise de voir que certaines ruptures, probablement partielles, cicatrisaient spontanément et donc pour monter une belle étude, ils ont favoriser la cicatrisation en position courte du LCA en flexum 20° et flexion maxi 60°! Conclusion pour les quelques chanceux qui cicatrisent sans développer une grave hernie discale, les autres majoritairement vont au bloc.
Un chirurgien, de la même équipe parisienne, a même publié pour dire que cette étude n’apportait que des complications avec des genoux raides en pré op et donc super raides en post op et un retard de prise en charge chirurgicale terrible pour un salarié, sans parler du coût des deux arrêts de travail longs.
Bref c’est naze.
Autre sujet d’actualité: l’intérêt du centre de rééducation en post-op semble de moins en moins évident, coûteux. Nos politiques étudient la solution de la prise en charge libérale, quelle est ta position à ce sujet?
Déjà pour les PTH des études avaient montré que la prise en charge en ville était meilleure que celle en CRF. Les centres restent des lieux privilégiés pour les stages des étudiants kinés mais un sportif loisir ou la secrétaire sédentaire accidentée au ski l’hiver dernier n’ont rien à faire en internat, en hôpital de jour c’est encore discutable mais si l’on suit les recommandations de la HAS avec ses 40 séances pour une plastie sans complication ça veut dire que la rééducation post LCA s’arrête à 2 mois et quelques jours! Là, où la rééducation prend tout son sens. On devrait arrêter la prise en charge après un centre? Je dis non!
De plus la chirurgie ambulatoire explose en France et les LCA opérés déboulent à J4 au cabinet donc il faut économiser les séances et développer une part d’auto rééducation voire créer des activités non conventionnées que l’on se fait piquer par les salles de sport.
Tu as vu je n’ai pas parlé de la polémique des STAPS-APA qui font de plus en plus d’actes dans les CRF payés par la sécurité sociale! Bref ça aussi ça m’irrite.
Pour conclure, quels sont tes prochains projets?
J’adorerais écrire un livre sur le genou et sa rééducation bien sûr, faire plus de formations pour les kinés amateurs de genoux et surtout j’aimerais bien que la notion de spécialisation se developpe chez les kinés notamment en genou, en épaule, mais aussi en neuro, en périnéal, en resp,i en pédiatrie! Si l’on veut que la profession grandisse, il faut développer des compétences et des savoirs et donc que la sécu reconnaisse ces pratiques spécialisées. Rêve ?
Merci Stéphane du temps que tu m’as accordé.
Avec plaisir. A très bientôt
Retrouvez Stephane Martine sur reeducationgenou.com et sur facebook « kinésithérapie pour s’entraider au quotidien ».
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