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La notion d’urgence en kinésithérapie

urgence
Dans le code de la santé publique au sujet du masso-kinésithérapeute, il est dit la chose suivant:

 

« En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention. « 

Cette ligne suscite des débats sur les réseaux sociaux et l’Ordre s’interroge sur l’interprétation à donner à ce texte.

Jean-François Dumas, secrétaire général de l’Ordre, a d’ailleurs posé la question sur les réseaux sociaux ce vendredi 5 février 2016:

« Comment définiriez-vous l’urgence en kinésithérapie ? Notion introduite par notre ancien décret d’actes, aujourd’hui reprise dans la loi MSS et codifiée au L4321-1.« 

Le débat semble déjà bien avancé concernant l’ordre car selon un de nos confrères, l’Ordre a déjà réfléchi au sujet avec les juristes de l’ordre car un pdf de 30 pages sur le sujet est publié en interne par l’Ordre et qu’une réunion a été demandée mardi sur le sujet avec les syndicats.

Je doute donc que l’Ordre tienne compte de mon article qui n’a d’ailleurs pas vocation a être la vérité mais plutôt un essai de réflexion sur le sujet.

Habilité à accomplir les actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie

« Accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie« , ce qui semble vouloir dire les actes de masso-kinésithérapie dont le patient a besoin.

Il ne s’agit donc pas d’agir hors de son champ de compétence, on ne parle pas de poser une perfusion en urgence, administrer un médicament ou tout autre acte qui ne relève pas de l’exercice professionnel de masseur-kinésithérapeute.

« Les premiers actes de soins nécessaires », cela semble par exemple utile pour une kinésithérapie respiratoire à visée de désencombrement chez un patient grabataire à domicile un weekend.

Cela ne dédouane pas le professionnel kiné de la notion pénale de non-assistance à personne en danger, appelée en code pénal français abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril, qui engage la responsabilité pénale  de toute personne qui n’interviendrait pas dans une situation de danger.

 

En l’absence d’un médecin

« En l’absence d’un médecin« , cela sous-entend bien évidemment en l’absence de prescription médicale car le kiné agit toujours sur prescription médicale.

L’absence d’un médecin est corrélée dans le texte avec la notion d’urgence que l’on abordera dans la chapitre suivant.

Doit-on y voir la possibilité de prodiguer par exemple un acte de kinésithérapie respiratoire d’urgence (bilan diagnostic kinésithérapique +/- séance de kinésithérapie respiratoire), dans un contexte de désert médical?

Ou bien encore prise en charge aigue d’un lumbago dans un objectif antalgique ou fonctionnel en l’absence d’accès à un médecin pour des raisons de capacité de déplacement ou de disponibilité du médecin?

Ou encore la prise en charge d’une blessure musculo-squelettique sur un terrain de sport et la pratique des premiers soins un dimanche sans recourir à la visite des urgences pour une entorse du genou par exemple?

Ce genre d’interprétation soulève plusieurs questions, celle de la consultation en premier recours et l’importance d’un bilan kinésithérapique précis à la recherche de drapeaux rouges, mais également celle de la disponibilité médicale, en effet les nouvelles technologies (mais les anciennes aussi) telles que les téléphones, la télémédecine, les numéros d’urgences, les ressources médicales sur internet permettent de nos jours d’avoir un accès rapide à un médecin qu’il soit régulateur au SAMU, médecin urgentiste de l’hôpital local ou le médecin généraliste du patient afin d’avoir un entretien bref et une « autorisation » orale de soin auprès du patient.

Sur la notion de consultation en premier recours, elle a été demandé par les kinés et a été tout bonnement refusée par le législateur, il ne faut donc certainement pas y voir une porte ouverte à cette consultation de première intention par les kinésithérapeutes.

On peut tout de même avancer qu’une formation pertinente et pointue en sémiologie permettrait aux kinés de plus facilement convaincre le législateur au sujet du premier recours. Mais cela est un autre débat et la réforme des études de kiné peut aller dans ce sens.

En cas d’urgence

La notion d’urgence est bien le sujet de la discussion de cette partie de texte. Elle est la source de nombreuses remarques sur les réseaux de la part de nos confrères, des syndicats, de l’Ordre. Cette discussion dérive souvent sur le premier recours qui je le répète a été refusé par le législateur donc ne semble pas être le sujet du texte. Même si c’est bien la volonté des kinésithérapeutes qui ont discuté le texte, d’introduire la notion de consultation en première intention.

Voici les différentes définitions de l’urgence qui ont été avancées:

Larousse « situation qui peut entraîner un préjudice irréparable s’il n’y est porté remède à bref délai et qui permet au juge de prendre certaines mesures par une procédure rapide ».

Les définitions (surement tirées du pdf de 30 pages) données par Dumas (secrétaire général du CNOMK) :

Assises de l’urgence en 2012 « toute situation où l’absence de prise en charge pourrait avoir des conséquences physiques ou psychiques durables »

Ordre des médecin « la mise en danger à brève échéance – l’heure ou la demi-journée – de l’intégrité physique, voire de la vie d’une personne. »

En Amérique du Nord « ce qui est ressenti par le patient comme une urgence »

Pour les infirmiers « situation non prévue, de survenue brutale et demandant une réponse rapide. »

Urgence vitale: met en cause le pronostic vital du patient.

Urgence fonctionnelle: met en cause le pronostic fonctionnel.

Urgence ressentie: pas de danger véritable pour le patient, tableau d’angoisse.

Urgence sociale: contexte social difficile, aigu.

Urgence médicale « Toute circonstance qui, par sa survenue ou sa découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital si une action médicale n’est pas entreprise immédiatement. L’appréciation de l’urgence est instantanée et appartient autant à la victime qu’au soignant. En pratique la notion d’urgence se définit par tout ce qui est à l’origine d’une situation clinique imprévue: douleur aigue, malaise, traumatisme, détresse médicale, sociale ou psychologique. »

Il n’existe pas de définition juridique.

 

Comment faire le tri dans toutes ces notions:

Le texte de loi prévoit une situation « en cas d’urgence et en l’absence d’un médecin ».

Ce texte prévoit une situation qui est à mon sens « rare » et « exceptionnelle », il n’est donc pas question de faire de la bobologie au cabinet, de désengorger les urgences ou encore de jouer à l’apprenti médecin.

Cette configuration rare et exceptionnelle permet toutefois, en cas d’urgence et en l’absence d’un médecin de protéger légalement le masseur-kinésithérapeute qui serait amené à prodiguer les premiers actes de soins nécessaires au patient. Si ça se passe mal, avais-je le droit de le faire, la situation le nécessitait-elle?

Si l’on pose comme principe que l’application de ce texte doit être rare et exceptionnelle, que reste-t-il comme situation concrète pour le kinésithérapeute? On peut imaginer que peu d’entre nous devraient être concernés et si tel est le cas sachons que nous avons une petite légitimité à le faire…

Cela permet donc la pratique de certains soins d’urgence comme par exemple la kinésithérapie respiratoire de désencombrement pour une exacerbation chez un patient BPCO connu avant la visite chez le médecin.

On pourrait intégrer aussi la notion de perte de chance pour le patient comme guide de réflexion pour le kiné avant d’intervenir.

Le patient sans la pratique de mes soins et en attendant la consultation médicale a-t-il une réelle perte de chance quant à d’éventuelles conséquences physiques durables?

A l’inverse la pratique de mes soins en urgence peut-elle entraîner une perte de chances pour le patient? Cela introduit la notion indispensable de bilan diagnostic kinésithérapique.

 

 

 

Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention

Le bilan diagnostic kinésithérapique écrit et précis associé au compte rendu des actes accomplis doit être transmis au médecin qui intervient auprès du patient.

Pour des raisons évidentes de responsabilité, de prise en charge de qualité pour le patient ainsi que de futures évolutions de notre profession, il est indispensable de savoir évaluer nos actes et de communiquer avec les autres personnels de santé.

 

Remarque

Nous cherchons a interpréter un texte qui soit dit en passant est rédigé de manière discutable tant dans les faits qui ont conduit à cette loi que dans la forme qui ne mérite par une analyse philosophique profonde. Pour preuve, ce paragraphe que nous venons d’expliquer se termine dans le texte du code de la santé publique par une phrase n’ayant absolument aucun rapport avec le reste, sur les substituts nicotiniques, preuve que la loi est parfois écrite et votée à la va-vite:

« En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention. Les masseurs-kinésithérapeutes peuvent prescrire des substituts nicotiniques. »

La touche « Entrée » du clavier ne coûte pas bien chère et le code de la santé publique n’est plus à un paragraphe prêt… On pourrait aussi repartir sur une autre article débat: Pourquoi la prescription des substituts nicotiniques apparaît-elle dans le même paragraphe que l’urgence et l’absence de médecin, est-ce un complot judéo-maçonnique pour que les kinés prennent le pouvoir en France????? 

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