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Interview de Matthieu Loubière, kinésithérapeute et enseignant.

Bonjour Matthieu, merci d avoir accepté l interview du blog du kiné. Tu es kinésithérapeute libéral à Dole dans le Jura. Tu es enseignant en IFMK, formateur en thérapie manuel, tu es gérant d’une société de formation continue… Bref, tu es passionné d’enseignement. Peux-tu nous expliquer ton parcours,  quelles formations tu as suivies?

Bonjour Julien.

Alors, j’ai suivi un cursus à Paris et je suis sorti en 2005 de l’ADERF.

La première année d’exercice, j’ai papillonné avec quelques formations courtes (EFOM) puis j’ai intégré l’une des premières promos d’ITMP sur 2 ans (ergos-concept à l’époque). Nous étions 10 et c’était bien sympa. Après cela, on m’a proposé d’aider sur des formations et de fil en aiguille, j’ai commencé mon activité de formateur en formation continue.

En 2009 j’ai migré dans le Jura. Cela m’a permis de postuler à l’IFMK de Dijon et j’ai débuté là-bas l’enseignement des mobilisations spécifiques. Par hasard, je suis tombé sur un cabinet libéral dans lequel ma future collègue montait une branche de l’ORREK pour organiser des formations sur le plan local ; je lui ai, du coup, donner un petit coup de main.

Progressivement, mes interventions en IFMK ont augmenté (Dijon, CEERRF) ; l’ORREK a grandi et a été, il y a deux ans, transformée en centre de formation continue (GEM-K Formation).

Aujourd’hui, mon emploi du temps est constitué de 40% d’exercice libéral (exclusivement du musculo-squelettique avec une grosse tendance pour les pathologies d’épaule) et 60% d’enseignement en formation initiale et continue.

Concernant les formations que j’ai suivies, j’ai fait pas mal de trucs différents.

En cycle long, j’ai fait un cycle de thérapie manuelle, une école d’ostéopathie, les chaines physiologiques de Busquet et un master 2 de science de l’éducation.

En formation courte, j’ai fait la méthode CGE, le Strain Counter-Strain, les triggers points, la posturologie clinique, le crochetage et le taping.

Je suppose que ce sont ces formations qui t’ont éveillées à l’enseignement. Y a-t-il des

personnalités, des formateurs qui t’ont plus marqués que d’autres? En quoi t’ont-ils influencé?

Bien sûr, la plupart des intervenants que j’ai pu rencontrer m’ont influencé. J’ai fait des formations diverses et variées justement pour être confronté à des approches différentes. Certains m’ont plus influencé plus que d’autres. Si je devais ne citer qu’un nom, je dirais Gilles Barette car c’est un des premiers intervenants que j’ai eu, qui ait su me passionner pour mon futur métier. Outre ses qualités pédagogiques et humaines, il a su me guider au début de mon activité et je suis heureux aujourd’hui de travailler avec lui.

Après il reste des grands noms qui me fascinent sans que j’ai pu les rencontrer tel que Maitland, et Mc Kenzie par exemple.

Si je devais garder un message des intervenants que j’ai côtoyé c’est d’essayer de rester humble sur soi-même. Il existe beaucoup de méthodes miracle… Pour autant, il y a toujours autant de malades (en tout cas en Franche Comté…). Je crois donc qu’au final, on a chacun un rôle à jouer avec nos patients et il faut faire au mieux en se disant qu’on ne peut pas correspondre à tout le monde. On n’a jamais fini d’apprendre et de se former.

Tu enseignes, à présent, en formation initiale et en formation continue, je suppose qu’un diplômé et un étudiant n’ont pas les mêmes questions, comment t’adaptes-tu?

Il se trouve que j’adore les questions. Donc je suis ravi quand on m’en pose, et encore plus si je n’ai pas la réponse (ça m’oblige à fouiner). Au final, je considère les étudiants MK comme des professionnels et des collègues donc cela ne change pas forcément mes réponses ou la forme de celles-ci. J’essaie en général d’aider l’étudiant à se questionner et à trouver les solutions seuls. L’objectif étant de les rendre autonomes. Concernant les professionnels, la discussion prend plutôt la tournure d’un débat.

Tu fais beaucoup de travail de traduction d’articles, de revue de littérature, de lectures d’articles scientifiques cela influence-t-il ta pratique quotidienne? Arrives-tu à passer du théorique à la pratique facilement?

Pendant les deux dernières années, j’ai réalisé une veille bibliographique pour ITMP et dans ce cadre, j’ai lu beaucoup de choses (parfois jusqu’à 60 articles par mois). Etant donné la quantité de données auxquelles j’ai eu accès, il a été bien difficile pour moi de tout ingurgiter.

Pour répondre à ta question, ce n’est pas toujours facile, ou même faisable techniquement (le matériel fait parfois défaut) de transférer les savoirs théoriques à la pratique quotidienne. Néanmoins le fait d’être enseignant m’oblige à faire ce transfert afin d’en faire profiter mes étudiants. Après ce n’est pas forcément les résultats des études qui comptent (ça se contredit souvent) mais plutôt la démarche intellectuelle mise en place.

Ton activité et tes formations te permettent d’exercer ostéopathie et thérapie manuelle, n’est-ce pas antinomique? Comment te places-tu entre art et science?

Oula! Vaste question. En fait, je suis un peu coincé en effet. Avec le temps, je dirais maintenant que je m’éloigne franchement de l’ostéopathie, notamment au niveau de mon raisonnement clinique. Il est vrai que malgré des efforts réalisés par certains professionnels, et sans refaire l’histoire de l’ostéopathie, cette approche reste assez empirique et repose sur des « lois » vieilles de plus de 100 ans pour certaines. Ce qui m’a le plus gêné durant mes études d’ostéo, c’est justement cette absence de remise en question. J’ai joué le jeu pendant ces années (même si c’est parfois difficile de se taire quand un intervenant, ne voulant pas répondre à une question nous sort l’argument du « tu verras quand tu auras plus d’expérience ; tu sentiras mieux »). Par la suite quand j’ai réalisé un travail sur la science et l’esprit critique durant mon master, mes positions se sont renforcées et ce qui me gêne aujourd’hui n’est pas tant l’absence de preuve, mais le fait que l’ostéopathie ne cherche pas à valider sa pratique (je vais me faire lapider par certains mais tant pis, c’est dit).

Donc est-ce antinomique ? Je dirais oui et non, ça dépend des thérapeutes, car certains ostéopathes font des efforts pour aller vers la recherche.

Toutefois, pour ma part, et comme je le disais en préambule, je me sens aujourd’hui bien plus proche de la thérapie manuelle et son EBP (Evidence Based Practice) que de l’ostéopathie.

Reste un avantage indéniable, être en première intention (pour combien de temps).

Tu as récemment quitté ton poste à l’ITMP, souhaites-tu nous en dire un mot? Et quels sont tes projets pour l’avenir?

Et bien, j’ai quitté ITMP principalement pour raisons personnelles. Ces années ont été formidables en expérience et en partage. J’ai pu rencontrer et échanger avec tout un tas de thérapeutes. Maintenant, j’ai envie de passer à autre chose et travailler différemment.

Comme je vais avoir du temps, je vais pouvoir me former, mettre un grand coup de balai sur mes enseignements et me consacrer bien plus à l’EBP.

J’ai également des projets de formation et d’écritures (avec la sortie d’un manuel de bilan prévu pour cette année). En bref, une page se tourne pour un nouveau départ ce qui est très excitant.

Merci Matthieu du temps que tu m’accordes.

Merci à toi pour cette entrevue.

Retrouvez les autres interviewes:

Camille Dolin, Président d’Ostéopathes Plus

Stéphane Martine, Reeducationgenou.com

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