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Interview de Loic BOUCHET, kiné en station de montagne

Interview de Loic BOUCHET, kiné en station de montagne

Bonjour Loic, tu es kinésithérapeute et ostéopathe à Avoriaz (Haute-Savoie) depuis plus de quatre ans. Tu exerces dans un cabinet médical en station de ski. Peux-tu nous expliquer comment s’organisent tes saisons?

Salut Julien. L’organisation de mon activité est assez simple, le cabinet est ouvert lorsque la station est ouverte. A savoir pour la saison d’hiver de mi-décembre à fin avril et de début juillet à fin août pour la saison d’été. Travaillant 7j/7 pendant la saison d’hiver, je prends les mois de mai et juin pour récupérer. A l’automne je trouve quelques remplacements pour boucler l’année.
Avoriaz est avant tout une station de ski, l’hiver est donc la période d’activité la plus importante avec ses nombreux traumatismes (ruptures du LCAE, luxations d’épaule, lombalgies aiguës…)
L’été, plus calme, ramène une population de vététistes, de trailers, randonneurs et autres sportifs occasionnels. On retrouve alors des pathologies plus classiques comme les entorses de chevilles ou entorses simples de genoux.
Copyright Loic Bouchet
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Tu travailles avec des médecins de montagne. Peux-tu nous expliquer comment vous collaborez? As-tu quelques exemples de prise en charge à nous donner?

Mon cabinet se trouve en effet au sein d’un centre médical. Ce dernier est composé de deux médecins traumatologues et du sport ainsi que deux médecins généralistes. Deux infirmières et deux manipulateurs en radiologie pour le côté para-médical ainsi que deux secrétaires pour le côté administratif. Sans oublier notre intendant sans qui nous ne mangerions pas… Les collaborations sont donc nombreuses et des plus enrichissantes. 

Voici un exemple de collaboration:

Un patient est passé au centre médical la veille pour une rupture du LCA. Il vient au cabinet pour sa consultation de kiné, le lendemain. Ma fonction va être de jouer un rôle informatif et de conseils (la prophylaxie de la pathologie en fait).

Lors de son premier passage le patient est arrivé avec les secouristes, souvent en état de choc, a vu des médecins, a passé des radios, s’est vu poser une attelle et proposer des béquilles. Cet accident bouleversant le programme idéal des vacances (ski, raclette, sorties), parfois remettant en cause la reprise du travail; les conseils donnés par mes collègues médecins et infirmières ne sont souvent pas compris ou mal assimilés.

La séance de kiné reprend donc tout le côté explicatif de la pathologie, le traitement et les suites éventuelles? Et si jamais en ré-examinant son genou, j’observe un épanchement trop important, le médecin vient alors réaliser une ponction sur ma table et la séance reprend ensuite immédiatement. Voilà un exemple de collaboration appréciable pour les patients et les soignants.

Du côté de la médecine générale, je prendrais l’exemple de la collaboration pour la kiné respiratoire pédiatrique. L’enfant est vu en consultation de médecine générale, mon collègue médecin (qui est dans la pièce en face) m’appelle pour que je me prépare à l’accueillir pendant qu’il a un aérosol. Je fais ma séance et le médecin repasse ensuite parfois pour voir le résultat. 

Je ne peux qu’inviter nos collègues à développer ce type de relations. Les patients n’en seront que gagnants !

La montagne ça fait pas mal rêver notamment pour les jeunes diplômés.  Que conseilles-tu aux kinés qui veulent bosser en saison à la montagne?

La montagne ça vous gagne !

C’est bien connu et c’est peu de le dire. Cependant les places sont chères et peu nombreuses. Pour les cabinets prenant des assistants, il y  a souvent un turn-over après le saisons, il faut alors tenter sa chance 6 mois à 1 an à l’avance. Le mieux étant sans doute de se rendre sur place et de parler de tout ça autour d’un bon vin chaud !
Copyright Loic Bouchet
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Du fait d’être en station, tu travailles souvent avec des étrangers? Comment cela se passe-t-il au niveau communication, exigences, facturations?

On ne le redira jamais assez en France mais apprenons l’anglais comme nos voisins nordiques!!! L’anglais est évidemment la langue de référence avec les patients étrangers. Cela m’a demandé un peu de travail les premiers mois pour ré-apprendre certains termes médicaux. Mais c’est un passage obligatoire, certaines journées la moitié des consultations étant en anglais. Un mauvais interrogatoire lors d’une séance en première intention pourrait avoir des conséquences dramatiques…
Les étrangers ne sont pas plus exigeants que les français. Il sont cependant parfois habitués à recevoir des soins de grande qualité dans leur pays (Canada, Australie, Suède…). A nous de montrer que nous sommes à la hauteur. La France ne pratique pas une mauvaise kinésithérapie, il nous manque cependant un accès à la recherche pour rattraper notre retard et être au même niveau (validation des techniques, évaluation des patients, construction d’un traitement). La généralisation de la PACES et la prochaine augmentation d’une année de formation en IFMK étant les prémices obligatoires à tout cela. Continuons !!!
La facturation se fait simplement par feuilles de soins, les assurances privées prenant parfois en charge les soins en kinésithérapie. 
 

As-tu quelques anecdotes marrantes à nous confier?

Je pense tout de suite aux patients asiatiques demandant qu’on se prenne en photo. La séance se termine donc forcément dans la bonne humeur.
Ou alors se rendre compte que les préoccupations premières des gens ne sont pas toujours celles auxquelles on pense. Un patient avec une rupture du croisé me demandant très sérieusement si le soir même il pouvait danser sur les cages en boîte de nuit
Copyright Loic Bouchet
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Le fait d’exercer dans un région où les loisirs font le gros de l’activité tu vois énormément d’urgences traumatiques. As-tu fait des formations particulières?

Non. Enfin pas au sens où tu l’entends. Je me suis formé et continue de le faire grâce à la littérature scientifique et à mes collègues médecins, parfois même au-delà de nos compétences…
Le plus grand apprentissage pour les urgences traumatiques: savoir passer la main!

Le conseil de l’Ordre des kinés a publié un avis en faveur de l’utilisation par les kinés de l’échographie. Je sais que tu as l’occasion d’assister à des explorations échographiques, tout cela de semble-t-il utile pour notre exercice?

Et quelle avancée pour notre profession! Même si nous sommes à mille lieues de pouvoir l’exploiter pour l’instant. En effet nous n’avons ni la formation ni les compétences ni les moyens (quid de la rentabilité car pas de cotation?) pour user de ce nouvel outil qui nous est offert. 
Au Centre Medical, ce n’est donc pas moi qui réalise l’échographie, mais mon collègue médecin. La principale utilité pour nous, kinésithérapeutes, est le suivi de l’évolution de la blessure (présence de sang, continuité anatomique, inflammation, thrombose…). Aussi bien au niveau musculaire, ligamentaire que tendineux. Nous tendrons vers plus de précisions dans la conduite et la personnalisation de notre traitement. J’ai hâte!

Petite question bonus, as-tu des bons plans pour travailler et avoir du temps pour skier?

Malheureusement on ne peut pas tout avoir… Le bon plan c’est donc de savoir s’organiser et de se mettre au ski de rando, praticable à tout heure et terriblement bon pour le cardio !

Merci Loic. Profite bien de l’été pour te reposer.

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3 comments

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Daniel

Toutes les stations ne sont pas comme Avoriaz (type de public, fréquentation etc…). Qu’en est il dans des stations un peu plus familiales ou moins connues?

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Loïc Bouchet

Bonjour Daniel,

Il est vrai qu’Avoriaz est à classer dans les moyennes et grosses stations. Cela apporte bien des spécificités comme tu l’as dit (type de public, fréquentation…). Mais la vraie différence réside dans notre mode d’organisation de travail et de complémentarité.
Rien n’empêche de reproduire ce fonctionnement dans une plus petite station.
Malgré cela, on retrouve plutôt des cabinets séparés comme on trouverait en ville.

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